Masarykova Univerzita Filozofická fakulta Ústav románských jazyků a literatur Magisterská diplomová práce L'analyse stylistique des traductions en tchèque de "Thérèse Desqueyroux" Vedoucí práce: doc. PhDr. Ladislava Miličková, CSc. Brno 2009 Gabriela Kučerová
Prohlašuji, ţe jsem diplomovou práci vypracovala samostatně s vyuţitím všech uvedených pramenů a literatury a ţe elektronická verze se přesně shoduje s verzí tištěnou. V Brně, 30. dubna 2009
Zde bych chtěla poděkovat doc. PhDr. Ladislavě Miličkové, CSc. za přijetí tématu k diplomové práci, za její vedení a za konzultace s prací spojené. Dále bych chtěla poděkovat PhDr. Naděţdě Hrůzové Ph.D. za konzultace z oblasti teorie a praxe překladu.
Table des matières Introduction... 1 I. La traduction généralités... 3 II. Les procédés de la traduction... 10 III. Analyse morphosyntaxique... 16 III.1. Emprunt... 17 III.2. Calque... 20 III.3. Traduction littérale... 24 III.4. Transposition... 26 III.5. Modulation... 33 III.6. Explication... 37 III.7. Adaptation... 41 IV. Analyse lexicale... 43 IV.1. Les noms... 43 IV.2. Les adjectifs... 51 IV.3. Les adverbes... 56 IV.4. Les verbes... 59 V. Analyse de la traduction des noms propres... 67 V.1. Anthroponymes... 69 V.2. Toponymes... 76 Conclusion... 81 Abréviations... 84 Bibliographie... 85
Introduction Le présent mémoire portant sur la comparaison des deux traductions tchèques du roman français Thérèse Desqueyroux de François Mauriac se compose de cinq chapitres dont deux premiers sont théoriques, les autres pratiques. Le premier chapitre s occupe de la traduction en tant que d une sorte de communication, le deuxième chapitre est orienté vers les différents procédés de la traduction. L analyse morphosyntaxique est sujet du troisième chapitre, le quatrième chapitre est orienté vers l analyse lexicale. Le cinquième chapitre portera sur la traduction des noms propres. Le premier chapitre va se focaliser sur la traduction en général, c est à dire sur le procès de la traduction comme une sorte de communication spécifique. En présentant plusieurs théories de la traduction, nous allons établir différents points de vue sur cette problématique pour aboutir enfin à la notion de l équivalence fonctionnelle qui représente aujourd hui le but principal de la traduction. Ce chapitre va porter également sur la nécessité de maintenir le style de l auteur suivant le sujet de l œuvre traitée de même que la réalité extralinguistique dans laquelle l action de l œuvre est insérée. Nous allons rappeler également la problématique de l intraduisible. Le chapitre suivant intitulé Les procédés de la traduction va présenter divers points de vue sur l emploi de ces procédés et sur leur classification selon les linguistes français et tchèques. Nous allons démontrer les points de vue communs et les points de vue opposés concernant les procédés de la traduction et souligner les phénomènes à la traduction desquels ces procédés sont utilisés. Le troisième chapitre va porter sur l analyse morphosyntaxique des deux traductions tchèques du roman Thérèse Desqueyroux de François Mauriac. La première traduction effectuée par Quido Palička a été publiée en 1929, la deuxième, de Josef Heyduk, en 1980. L étendue de cinquante ans représente une différence majeure du point de vue morphosyntaxique et stylistique, l usage de la langue tchèque s étant beaucoup évolué. Le présent mémoire va mettre en évidence les décalages trouvés dans les deux traductions et souligner l archaïsme de la traduction de Palička par rapport à la traduction plus moderne de Heyduk. 1
Le quatrième chapitre va se concentrer sur l analyse lexicale, c est à dire sur le choix et sur l emploi des unités lexicales. Ce chapitre est divisé en quatre souschapitres portant sur les noms, sur les adjectifs qualificatifs, sur les adverbes et sur les verbes. Dans chaque souschapitre, nous allons comparer les traductions effectuées par Palička et Heyduk du point de vue de l impression qu elles exercent sur le lecteur. Le dernier chapitre est reparti en deux souschapitres dont le premier porte sur la traduction des anthroponymes, le second sur la traduction des toponymes. Il s agit de la théorie et de la pratique de transcrire et d adapter les anthroponymes et les toponymes français à l usage de la langue tchèque. Le but de ce chapitre est de souligner les différences de la traduction des noms propres faite par Heyduk et par Palička à l aide des phrases concrètes tirées de leurs œuvres. Le présent mémoire va essayer de démontrer les différents procédés de traduction du roman de François Mauriac adoptés par Quido Palička et Josef Heyduk. Nous nous efforcerons de mettre en évidence les différences entre les deux traductions de même que l impression finale que les textes traduits exercent sur le lecteur contemporain. 2
I. La traduction généralités «La traduction n est qu un cas particulier de la communication.» 1 Or, cette définition de la traduction n étant pas suffisante, doit être précisée. Il s agit de la communication secondaire, indirecte. Marcel Cressot défini la communication d une manière plus détaillée : «Toute extériorisation de la pensée, qu elle se fasse par la parole ou au moyen de l écriture, est une communication : elle suppose une activité émettrice du sujet parlant, et une activité réceptrice du destinataire.» 2 Dans la communication en générale on distingue cinq parties essentielles : le codage, l émission et le transfert, la perception et la réception (le décodage). Selon la participation ou absence d un médiateur on peut distinguer deux types de la communication. La communication primaire se déroule directement selon le schéma émetteur contenu canal - récepteur, tandis que la communication secondaire [traduction] se déroule moyennant un médiateur qui décode et encode le contenu dans un autre code. Ce médiateur peut être le traducteur ou l interprète. Jiří Levý défini la traduction d une manière très proche : Překládání je sdělování. Přesně řečeno, překladatel dešifruje sdělení, které je obsaţeno v textu původního autora a přeformulovává (zašifrovává) je do svého jazyka. Sdělení v překladovém textu obsaţené pak dešifrovává čtenář překladu. 3 Le schéma invoqué au-dessus est enrichi bien que le principe reste le même. Il s agit toujours de l auteur qui crée une œuvre, le traducteur le décode et transmet à sa langue, il le code de nouveau, et enfin le récepteur, le lecteur décode le texte ainsi codé. Le schéma devient donc plus élaboré (voir Schéma 1). 1 Seleskovitch- Lederer, 1984, page 34, citation parue dans ŠABRSULA, J.: Problèmes de la stylistique comparée du français et du tchèque, page 26 2 CRESSOT, M.: Le style et ses techniques, Précis d analyse stylistique, page 15 3 LEVÝ, J. : Umění překladu, page 42 «La traduction est une communication. Plus précisément, le traducteur déchiffre le message impliqué dans le texte de l auteur et il le reformule (chiffre de nouveau) en sa langue. Le lecteur de la traduction déchiffre donc le message impliqué dans le texte traduit.» 3
skutečnost réalité výběr choix autor auteur formulace formulation cizojazyčný text texte en langue source čtení lecture překladatel traducteur překlad traduction text v jazyce překladatelově texte en langue cible čtení lecture čtenář lecteur konkretizace concrétisation Schéma 1 Le schéma du processus de la traduction selon Jiří Levý 4
Le but de la traduction est de transposer le texte de départ au texte d arrivée en gardant toutes les valeurs sémantiques du texte source, et en se rendant compte des différences entre la langue de départ (appellée aussi la langue source) et la langue d arrivée (langue cible) 1. Entre deux corrélants il existe la relation linguistique interne qui s appelle la dénotation. Cette relation porte le contenu codé, le dénoté, qui ne s identifie avec une image concrète, et un signifiant matérialisé, le dénotant. A côté de la relation linguistique interne on distingue aussi la relation linguistique externe. Là, on dispose des corrélants désignant, qui est un signe entier, et désigné. «Le désigné d un signe inséré dans un contexte est le contenu du désignant.» 2 Ce contenu peut être abstrait, il présente une façon de voir la réalité. Dans le texte traduit on devrait maintenir toutes les relations internes et externes. Mais la dénotation et la connotation ne sont pas les seuls aspects propres à la traduction. Dagmar Knittlová dans son œuvre K teorii i praxi překladu souligne encore un aspect, celui de la pragmatique : neméně důleţitou sloţkou obsahu je aspekt pragmatický, zkušenostní, který je dán vztahem mezi jazykovým výrazem a účastníky komunikativního aktu. 3 L aspect pragmatique contribue donc avec l aspect connotatif et l aspect dénotatif à constituer la partie sémantique (le contenu) du texte. Dans la plupart des cas, la traduction est définie comme une transposition d un texte de la langue de départ à la langue d arrivée. Mais ce n est qu une acception du terme «traduction» selon Jacobson. Celui-ci distingue trois types de traduction : 1. traduction intralinguistique 2. traduction interlinguistique 3. traduction intersémiotique Dans la traduction intralinguistique, il s agit de la transposition du texte à une autre forme de la même langue. On peut ainsi traduire par exemple un texte écrit en ancien français en français moderne pour qu il soit compréhensible à tous les lecteurs d aujourd hui qui ne maîtrisent plus l ancien français. 1 On voit une duplicité dans la terminologie concernant les langues qui s impliquent dans la traduction. En effet, on peut constater que les termes de la langue de départ et de la langue-source de même que de la langue d arrivée et de la langue-cible sont des équivalents, en ajoutant que les notions de la langue-source et de la langue-cible sont employées plus souvent. 2 ŠABRSULA, J.: Problèmes de la stylistique comparée du français et du tchèque, page 26 3 KNITTLOVÁ, D.: K teorii i praxi překladu, page 6 «l aspect pragmatique, une partie non moins importante du contenu, est déterminé par le rapport entre l expression linguistique et les participants de l acte de communication.» 5
La traduction intersémiotique englobe surtout les transformations des langues aux langages de machine, le codage des mots dans les symboles, etc. La traduction interlinguistique est la traduction la plus fréquente. Elle comprend la transposition d un texte de la langue de départ à la langue d arrivée en maintenant le style et les idées de l auteur le plus possible. Une autre typologie de la traduction est présentée par Catford qui distingue la traduction restreinte et la traduction totale. La traduction restreinte se focalise sur la traduction d une couche linguistique, celle de la grammaire par exemple, tandis que la traduction totale essaie de refléter toutes les couches linguistiques pour aboutir à la meilleure équivalence possible. Tandis que dans les années 60 du 20 e siècle, le problème majeur de la théorie de la traduction était l équivalence qui focalisait sur la possibilité de transposer l information du texte source dans le texte traduit, aujourd hui, c est la notion de l équivalence fonctionnelle qui est prioritaire. Celle-ci représente le principe de base du procès de la traduction. Znamená to, ţe nezáleţí na tom, pouţijeme-li stejných či jiných jazykových prostředků, ale na tom, aby plnily stejnou funkci, a to pokud moţno po všech stránkách, tedy nejen významově věcné (denotační, referenční), ale i konotační (expresívní, asociační) a pragmatické. 1 En traduisant un texte il faut donc respecter tous les aspects du contenu, c est à dire l aspect dénotatif, l aspect connotatif et l aspect pragmatique. Il ne faut pas employer les mêmes procédés dans tous les cas mais il faut aboutir à un texte gardant l équivalence fonctionnelle. Le traducteur doit respecter également le style du texte traduit. Il faut distinguer les textes littéraires des textes non-littéraires à cause de leurs styles différents. Dans les textes non-littéraires, le style est plus simple. Les œuvres littéraires, par contre, se caractérisent par un style plus raffiné. Mais le style n est pas le seul élément distinctif caractérisant ces textes. Na rozdíl od starších názorů chápeme dnes literární dílo jako objektivně fixovaný soubor estetických hodnot, který se společensky realizuje teprve vnímáním. 2 A côté du style c est la valeur esthétique qui est mise en évidence. Nejdůleţitějším faktem při překladu literárního komunikátu 1 KNITTLOVÁ, D.: K teorii i praxi překladu, page 6 «Cela signifie qu il n est pas important d employer les mêmes ou les différents procédés linguistiques mais il est important qu ils aient la même fonction, et cela dans tous les aspect du texte, si possible, c est à dire dans l aspect dénotatif, l aspect connotatif de même que dans l aspect pragmatique.» 2 VILIKOVSKÝ, J. : Překlad jako tvorba, page 52 «Contrairement à l avis ancien, une œuvre littéraire est aujourd hui prise comme un ensemble des valeurs esthétiques objectivement fixé qui n est réalisé que par la réception.» 6
je, ţe máme co činit s textem uměleckého díla. Jde o výtvor, který má estetickou funkci 1, dit Vilikovský. Cressot soutient l opinion de Vilikovský du point de vue stylistique : «... l œuvre littéraire n est pas autre chose qu une communication, et toute l esthétique qu y rentrer l écrivain n est en définitive qu un moyen de gagner plus sûrement l adhésion du lecteur.» 2 Et c est au traducteur de retransmettre le message de l auteur, y compris son intension esthétique, aux lecteurs. Nous avons déjà défini la traduction comme une sorte de communication qui se déroule selon le schéma émetteur contenu canal médiateur canal récepteur dans lequel le médiateur, le traducteur, est en effet le premier récepteur qui transmet le contenu dans une autre langue pour le rendre accessible au second récepteur, le lecteur. Ján Vilikovský forme un schéma plus élaboré (voir Schéma 2). Schéma 2 Le schéma du processus de la traduction selon Ján Vilikovský literární kontext 1 contexte littéraire 1 literární kontext 2 contexte littéraire 2 autor auteur text 1 texte 1 příjemce 1 récepteur 1 překladatel traducteur text 2 texte 2 příjemce 2 récepteur 2 společenská realita 1 réalité sociale 1 společenská realita 2 réalité sociale 2 1 VILIKOVSKÝ, J. : Překlad jako tvorba, page 53 «Le fait le plus important en ce qui concerne un texte littéraire est que nous travaillons avec une œuvre artistique. Il s agit d une œuvre portant une fonction esthétique» 2 CRESSOT, M. : Le style et ses techniques, Précis d analyse stylistique, page 17 7
Par rapport à la définition présentée par Šabršula, Ján Vilikovský ajoute encore les notions du contexte littéraire et de la réalité sociale. Le contexte littéraire signale que l œuvre entre dans un système de la littérature d un pays, d une langue et d une époque donnée et elle y prend sa place fixe. Le traducteur doit trouver un nouveau positionnement de cette œuvre dans la langue d arrivée par rapport au temps et l espace en maintenant, le plus possible, toutes les valeurs évoquées dans le texte source. Si les conditions concernantes la place de la littérature de même que la réalité sociale sont rapprochées il ne faut pas changer beaucoup d éléments dans le texte pour le situer avec succès dans un contexte nouveau mais au cas où les situations sont différentes, c est au traducteur de trouver les procédés qui pourraient faire de la traduction un équivalent au texte de départ en ce qui concerne sa position dans les références mentionnées. C est presque le même cas en ce qui concerne la notion de la réalité sociale. L œuvre originale reflète une certaine situation sociale que l auteur veut montrer. Bien qu il s agit soit d une situation réelle, soit d une situation irréelle, le traducteur doit la transmettre aux lecteurs d une manière la plus fidèle possible. Dans certains cas, il faut modifier ceratines références pour que le texte soit accessible et compréhensible aux nouveaux lecteurs qui ne connaissent pas la réalité évoquée. Différents contextes littéraires aussi bien que les réalités sociales donnent sujet à la double notion du «texte». Le premier type est celui de l auteur qui porte certains traits caractéristiques littéraires et sociaux de son contexte d origine. Le traducteur comme le premier récepteur et en même temps le second émetteur modifie quelques traits caractéristiques de l œuvre, il lui attribue d autres caractères et crée donc un nouveau texte. Celui-ci diffère un peu, bon gré mal gré, du texte de départ. Les problèmes évoqués ci-dessus mènent vers une question de grande importance : est-ce que la traduction est possible? Georges Mounin donne une des réponses : «... toutes les observations de la linguistique contemporaine... semblent asseoir définitivement l opinion que la traduction n est théoriquement pas possible. Il reste à considérer pourquoi et comment, et surtout dans quelle mesure et dans quelles limites, l opération pratique des traducteurs est, elle, relativement possible.» 1 Les diverses langues ayant des structures différentes dans la grammaire, dans le lexique de même que dans la syntaxe, il n existe pas de vrais équivalents. Il n est donc 1 MOUNIN, G. : Les problèmes théoriques de la traduction, page 191 8
pas possible de traduire un texte d une manière complète sur tous les plans. Or, les traductions existent. Pour expliquer ce phénomène il faut un recours vers les définitions de la traduction présentées par Levý ou Vilikovský. Leurs diagrammes montrent bien que le traducteur n est que le premier récepteur et il transpose le texte dans une autre langue. Ce qui n est pas encore visible dans le schéma de Levý mais ce qui est bien souligné dans celui de Vilikovský, c est la nécessité de modifier la réalité sociale et le contexte littéraire pour rendre le texte accessible et compréhensible aux lecteurs finaux. Levý résume les exigences imposé aux traducteurs dans trois points: 1. pochopení předlohy (compréhension du texte source) 2. interpretace předlohy (interprétation du texte source) 3. přestylizování předlohy (nouvelle stylisation du texte source) Le traducteur doit donc comprendre bien le texte et ceci dans le plan linguistique de même que dans le plan du contenu. Pendant l interprétation du texte il doit garder la plus haute objectivité possible et il doit éviter d insérer les éléments subjectifs issus de sa propre expérience. La nouvelle stylisation exige une excellente connaissance de la langue source aussi bien que de la langue cible mais aussi une connaissance du contexte dans lequel le texte est inséré, des sociétés évoquées et de la réalité présentée. Une autre réponse, absolument différente, aux problèmes de la traduction Marianne Lederer : «Les étudiants en Master Recherche de traductologie ont souvent du mal à admettre que le fait que les langues soient différentes ne représente pas un problème de traduction. Bien au contraire, c est parce qu il y a différence qu il y a traduction. Si toutes les langues étaient semblables, la traduction serait inutile. Il faut donc prendre cette différence comme une donnée et non comme un problème.» 1 1 LEDERER, M. : Dialogue des cultures : interprétation, traduction, page 7 9
II. Les procédés de la traduction En admettant que la traduction (du moins la traduction pratique) est possible il faut trouver les moyens pour l effectuer. Selon les principes d équivalence fonctionnelle le traducteur doit chercher tels procédés qui assureraient une transmission la plus équivalente possible. Le texte traduit devrait avoir la même fonction que le texte original, il devrait maintenir le style de l auteur, ses idées, son intention. Pour traduire un texte le traducteur se sert de différentes techniques. Voyons celles qui sont les plus fréquentes selon Vinay, Darbelnet et Barth. «Les procédés de traduction sont : l emprunt, le calque (structural), la traduction littérale, la «transposition», la modulation (du point de vue), l explicitation, l équivalence des «expressions», l adaptation (culturelle).» 1 L emprunt est le procédé le plus simple. Le traducteur ne fait que transcrire le mot de la langue source selon l usage de la langue cible. Cette technique enrichit le vocabulaire et permet de formuler des idées nouvelles. Parfois on se sert de mots anciens, par exemple le français utilise quelques mots latins, surtout pour la dérivation. Par exemple: cinquante quinquagénaire généralisation generalizace géometrie geometrie Souvent les mots des deux langues ne sont pas du même genre nominal, il le faut donc changer : le dogue ta doga le contrôle ta kontrola «Le calque est la transposition d un sémion ou d une construction d une langue dans une autre par traduction littérale.» 2 Il s agit de la traduction mot à mot qui n est pas toujours possible. Si le calque n est pas une intention, le traducteur doit reconnaître ces groupes de mots et les traduire d après l usage de la langue d arrivée. la masse du chien masa psa psí masa 1 ŠABRŠULA, J. : Problèmes de la stylistique comparée du français et du tchèque, page 32 2 ibid, page 34 10
La traduction littérale est une traduction mot à mot appliquée à toute la phrase ou toute une partie du texte. Elle est possible seulement quand les systèmes des deux langues ne diffèrent pas. Sinon, la traduction serait absurde et incompréhensible. La transposition est un des procédés appliqués dans le cas où les systèmes des deux langues se divergent. François Malherbe définie la transposition comme un procédé par lequel un signifié change de catégorie grammaticale. La substitution peut être considérée comme une sorte de la transposition. Cette technique remplace une espèce de mot par une autre. Il s agit souvent du remplacement des adjectifs possessifs en français par la désinence zéro en tchèque. Le français utilise aussi le gérondif et le participe présent mais le tchèque doit se servir d autres moyens, par exemple d une phrase ajoutée ou d un adjectif. On doit également remplacer les phrases infinitives françaises par les phrases subordonnées en tchèque. La modulation est définie par Vinay, Darbelnet et Malblanc comme une variation dans le message obtenue en changeant de point de vue, d éclairage Chaque langue utilise de différents mots pour désigner la même situation. La traduction mot à mot serait fausse. Il faut connaître bien les deux langues pour éviter les erreurs. Modulace je obměna ve výpovědi, k níţ dochází změnou hlediska, zorného úhlu. Je nutná tam, kde by přímý nebo i transponovaný ekvivalent byl sice gramaticky správný, ale odporoval by duchu cílového jazyka. 1 En utilisant la modulation nous changeons le point de vue sur la réalité. Nous devons choisir un tel équivalent qui correspondrait le mieux la langue d arrivée. Le traducteur doit connaître bien les deux langues pour pouvoir trouver la locution attrapant le sens du texte source qui n évoquerait pas un sentiment bizarre chez les lecteurs. La modulation n est pas un procédé simple, elle englobe plusieurs cas particuliers. Selon le nombre des mots qu elle concerne elle peut être divisée en modulation lexicale (regardant un seul mot comme une unité indépendante) et en modulation syntaxique (touchant plusieurs mots, une locution comme une unité). Le deuxième point de vue pour diviser la modulation en plusieurs types est l aspect du mot ou de la phrase. Nous pouvons donc distinguer la modulation antonymique quand on emploi l antonyme du mot ou du syntagme utilisé à l original, la modulation 1 TIONOVÁ, A. : Francouzština pro pokročilé, page 447 «La modulation est une modification de l énonciation provenant du changement du point de vue. Elle doit être employée dans le cas où la traduction équivalente simple ou transposée était grammaticalement correcte mais elle ne correspondrait pas à la langue-cible.» 11
concret x abstrait où nous changeons le mot concret d une langue contre un mot abstrait de l autre langue. La modulation synecdoque est très proche, elle consiste en variation des mots désignant le tout et la partie. Une autre modulation a pour objet les verbes, concrètement l aspect des verbes. On remplace donc le verbe actif d une langue par un verbe passif de l autre langue. La modulation concerne également la traduction des constructions qui n ont pas d équivalents dans la langue d arrivée. Le chassé-croisé n est qu un cas spécifique de la modulation. Il est basé sur le changement inverse des catégories grammaticales des mots. la douceur prochaine sladká budoucnost L explicitation est un autre procédé de la traduction. Elle ajoute dans la traduction des informations qui sont implicites dans la langue de départ mais qui doivent être précisées dans la langue d arrivée. Parfois le traducteur peut se permettre de ne pas expliciter certaines informations si cela ne change pas la fonction du message. L équivalence, d après Šabršula, est un postulat, non un procédé. Toutes les définitions de Malblanc ou des participants de l école de Vinay décrivent la modulation. Šabršula se pose la question de l équivalence. «En fait, toute traduction devrait être équivalente.» 1 Par tous les procédés nous cherchons à rendre notre traduction le plus équivalent possible. L adaptation est un procédé utilisé quand la situation exprimée dans la langue de départ n existe pas dans la culture de la langue d arrivée. C est le cas de certains proverbes, des mots pour rire, des jeux de mots. Le traducteur doit trouver une traduction adéquate et remplacer ces phrases ou groupes des mots par des formulations les plus équivalentes utilisées couramment dans la langue d arrivée. Šabršula n était pas le seul linguiste qui s occupait de la théorie de la traduction et il existe plusieurs points de vue. Les autres linguistes reprennent cependant quelques traits distinctifs évoqués par Šabršula pour établir une nouvelle typologie des procédés de la traduction. Dans l énumération des procédés ils omettent quelques-uns et ils les remplacent par d autres. C est aussi le cas d une autre théorie des procédés de la traduction mentionnée entres-autres dans le manuel Francouzština pro pokročilé dans les chapitres vingt-trois et vingt-quatre. 1 ŠABRŠULA, J.: Problèmes de la stylistique comparée du français et du tchèque, page 38 12
La traduction littérale, le mot-à-mot, est un procédé le plus facile mais il ne peut pas être employé trop souvent. Son emploi dépend de la similarité et la différence des langues traitées. Si les systèmes des langues ne diffèrent pas on peut traduire mot à mot la plupart du texte. C est le cas des langues de la même origine. Tandis que ces langues sont presque du même structure et le vocabulaire est, lui aussi, très proche, les langues étymologiquement éloignées diffèrent tellement qu il n est pas possible de traduire le texte mot à mot afin d éviter l incompréhension totale. Le procédé le plus souvent utilisé est la transposition. Elle consiste en changements des parties du discours. Si l on ne change qu un mot, il s agit de la transposition simple. Au cas où on change deux ou plusieurs mots on parle de la transposition double ou multiple. Nous pouvons aussi mentionner la transposition syntaxique quand un terme de proposition change de sa fonction, c est à dire quand par exemple un mot en français doit être traduit par une proposition subordonnée. Dans ce cas-là, Šabršula parle déjà de la substitution. Il distingue donc ces deux procédés comme quelque chose d un peu différent même s ils sont liés l un à l autre, il estime donc une analyse plus approfondie. Quant à la transposition, nous ne pouvons pas oublier la typologie des langues traitées. Dans le présent mémoire analysant deux traductions en tchèque d un roman français, nous devons prendre en considération les différences entre ces deux langues dont l une est une langue slave, donc synthétique, flexionnelle, l autre une langue romane, donc analytique. Comme les deux langues sont du point de vue typologique de l origine différente, elles utilisent les moyens linguistiques différents pour exprimer la même réalité extralinguistique. Tandis qu en français on emploi souvent les substantifs pour exprimer l action, le tchèque préfère les verbes. Cette règle n est pas, bien sûr, indispensable, elle s applique surtout au niveau de langue standard ou soigné ou bien dans la langue administrative. Parmi les autres procédés de la traduction souvent cités, nous pouvons remarquer la concentration et la dilution. A. Tionová en dit : Tyto dva postupy jsou druhem transpozice, při níţ dochází k zúţení nebo naopak rozšíření textu. Význam (obsah), který je v jednom jazyce vyjádřen jedním slovem, jsme někdy nuceni v překladu rozředit do dvou či více slov (diluce), nebo naopak nám cílový jazyk dává moţnost shrnout jedním slovem to, co bylo v originálu řečeno slovy dvěma či několika 13
(koncentrace). 1 La concentration consiste donc dans la possibilité de résumer en un mot ce qui a été expliqué par plusieurs mots à l original, tandis que la dilution fonctionne juste au rebours. C est à dire, la dilution nous oblige à exprimer par deux ou plusieurs mots ce qui a été dit à l original par un seul mot. La concentration est appliquée plus souvent vers le tchèque ce qui dépend du système de la langue qui permet de créer un grand nombre de mots à l aide des préfixes et des suffixes, par la dérivation, etc. Un autre procédé dont l emploi pourrait rendre incompréhensible le texte ou en changer le sens est présenté par deux autres procédés tels que l étoffement et le dépouillement. Une bonne explication de l étoffement est présentée dans le manuel Francouzština pro pokročilé : Francouzské předloţky [...] jsou oproti českým mnohem vágnější, v některých spojeních fungují uţ jen jako gramatikalizované částice bez konkrétního obsahu. Proto bývají doplňovány nebo nahrazovány výrazem plnějším, hutnějším, plnovýznamovým. 2 L étoffement est employé surtout dans la traduction de l original français. En français, beaucoup de prépositions ont perdu leur valeur et elles ne servent plus que comme des éléments grammaticaux. Il faut donc ajouter un autre élément pour donner le sens à une locution autrement peu compréhensible. Parmi les éléments étouffant nous pouvons citer infinitif, substantif, participe passé, participe présent et proposition relative. Le dépouillement est le procédé inverse. En tchèque, il suffit de se servir de simples prépositions pour exprimer les relations entre les mots tandis que le français doit expliquer et préciser cette relation par plusieurs expressions. Les deux procédés cités là-dessus sont en effet très proches à la concentration et la dilution dont nous avons déjà parlée. Nous pouvons constater que l étoffement et le dépouillement sont basés sur le même principe mais ils expliquent les relations entre les mots, c est pourquoi ils concernent les prépositions. Tandis que Vinay, Darbelnet et Barth distinguent huit procédés différents, Jiří Levý n en respecte que trois. La traduction littérale, selon lui, est possible seulement 1 TIONOVÁ, A.: Francouzština pro pokročilé, page 425 «Ces deus procédés sont une sorte de transposition pendant laquelle le texte s élargit ou rétrécit. Parfois, nous devons, dans la traduction, diluer en deux ou plusieurs mots le sens (le contenu) exprimé par un seul mot en langue source (dilution), ou, au contraire, la langue cible nous permet de résumer en un mot ce qui a été exprimé en deux ou plusieurs mots à l original.» 2 ibid, page 437 «Les prépositions françaises sont, en comparaison avec les prépositions tchèques, beaucoup plus vagues, dans certaines locutions, ne figurant que sous forme de particules grammaticalisées sans signification concrète. C est pourquoi elles sont accompagnées ou remplacées par une expression plus étoffée, plus dense, à sens plein.» 14
dans le cas où la forme ne dépend pas de la langue ou d un contexte historique. Dans les autres cas où il n y a pas d équivalent, le traducteur doit se servir de la substitution ou de la transcription. Substituce, tj. náhrada domácí analogií, je na místě tam, kde se zároveň silně uplatňuje obecný význam, transkripce, přepis, je nutná tam, kde význam, tedy činitel obecný, úplně mizí. 1 Si l on peut transmettre au lecteur le sens du texte bien qu il ne soit pas possible de l exprimer par les mêmes mots, il s agit de la substitution. La transcription est employée dans les cas inverses. Mais Levý n estime pas qu on puisse considérer les trois procédés comme étant de même valeur. Appréciant la traduction littérale comme le seul procédé de la «vraie traduction», la substitution n est qu un procédé pauvre : Substituce je východisko z nouze, k němuţ se překladatel uchyluje, kdyţ není moţný překlad pro těsnou závislost uměleckého prvku na jazyku nebo na cizích historických skutečnostech. Většinou se při ní ztrácí buď hodnota obecná, nebo zvláštní. 2 Le but de la traduction, c est de transposer le texte d une langue à un autre en gardant le sens, les idées et le style du texte source. Pour maintenir toutes ces propriétés du texte en langue source citées ci-dessus, le traducteur se sert de divers procédés de la traduction évoqués. Son but est de veiller à ce que le texte en langue cible soit le plus équivalent possible au texte en langue source. 1 LEVÝ, J.: Umění překladu, page 114 «La substitution, le remplacement par une analogie nationale, doit être utilisé dans le cas où le sens générale s applique intensivement, la transcription est nécessaire quand le sens, c est à dire l agent général, disparait totalement.» 2 ibid, page 117 «La substitution est un procédé de secours utilisé par un traducteur si la traduction n est pas possible à cause de la dépendance très près d un élément artistique sur la langue ou sur des réalités historiques étrangères. Dans la plupart des cas, on perd soit la valeur générale, soit la valeur spécifique.» 15
III. Analyse morphosyntaxique Le chapitre précédent a montré que la théorie des procédés de la traduction n est pas unifiée. Tandis que Vinay, Darbelnet et Barthes distinguent huit procédés différents (l emprunt, le calque, la traduction littérale, la transposition, la modulation, l explicitation, l équivalence et l adaptation), Levý, par exemple, n en distingue que trois (la traduction littérale, la substitution et la trascription). De plus, leurs acceptions des procédés ne sont pas tout à fait les mêmes. Vinay avec ses collègues classifient par exemple la substitution comme un procédé autonome, bien que subordonné à la transposition, Levý, par contre, estime que la substitution est un procédé qui ne figure pas sur le pied d égalité avec les deux autres procédés qu il évoque. Pour Levý, la substitution représente un procédé «moins pur», de peu de valeur par rapport aux autres. Pour pouvoir analyser les deux traductions du roman de François Mauriac, il faut adopter de telles règles selon lesquels il sera possible de comparer les différentes attitudes des traducteurs vers le texte présenté. Dans le présent travail, ce seront les critères établis par Vinay, donc ses procédés de la traduction, qui nous serviront de points de distinction. Il s agit d une structure bien élaborée qui forme un système dans l analyse de la traduction. Le chapitre traitant l analyse morphosyntaxique sera donc divisé selon les procédés suivants : l emprunt, le calque, la traduction littérale, la transposition (qui incluera de même la substitution), l explication, la modulation et l adaptation culturelle. L équivalence comme un procédé de la traduction ne sera pas pris en considération, étant le but de la traduction, comme le souligne Šabršula. Ayant deux traductions différentes, il faut établir l une d elles comme la primaire par rapport à laquelle l autre sera comparée. Le présent travail va préférer la traduction de Josef Heyduk qui a été effectuée en 1980 et correspond donc mieux à l usage de la langue contemporain. La traduction de Quido Palička vient de l année 1929 et le plan morphosyntaxique de même que le plan lexical vont sembler archaïques ce qui est causé par des changements de règles dans la langue tchèque. Il est donc indispensable de prendre en considérance ce détachement langagier. 16
III.1. Emprunt Comme elle glissait le feuillet dans l enveloppe, elle y apperçut une photographie qu elle n avait pas vue d abord. (M, 53) Kdyţ vkládala lístek do obálky, spatřila tam fotografii, které si zprvu nevšimla. (H, 262) Kdyţ se snaţila vsunouti list do obálky, zpozorovala podobiznu, jiţ před tím viděla. (P, 38) Le nom photographie en français est lui-même emprunt à l anglais du mot photograph dont l origine est dans deux mots grecs : photo et graphia. Heyduk dans sa traduction respecte cet emprunt qui est, de plus, devenu couramment utilisé. Palička, par contre, traduit le nom par un synonyme de l origine tchèque : podobizna. A l époque, les tendances puristes concernant la langue étaient plus fortes qu aujourd hui où l on utilise des mots étrangers assez couramment. Il la reconnaissait bien là; elle compliquait toujours tout. (M, 49) To byla celá ona, vţdycky všecko komplikovala. (H, 261) Podle těchto slov ji poznával; ona vţdycky všechno činila složitějším. (P, 36) Le verbe français compliquer est issu du verbe latin complicare qui signifie rendre quelque chose plus difficile. Les traductions de ce verbe obsèrvent les mêmes lois que dans l exemple précédent. Tandis que Heyduk traduit le verbe à l aide de l emprunt et le mot a donc la même racine, Palička le remplace par un groupe verbal činit sloţitějším ce qui est une périphrase correspondant au tchèque. Mais dans le taxi, comme bernard se rapprochait d elle, sa main l éloignait, le repoussait. (M, 59) Kdyţ se k ní však v taxíku přitiskl, odsunula ho rukou, odstrčila. (H, 265) Ale v taxi, kdykoliv se k ní Bernard přiblíţil, odstrkovala ho její ruka; vzdalovala ho od sebe. (P, 42) Dans la phrase source, le mot taxi est une abréviation du nom taximètre désignant une voiture munie d un compteur qui s appelle également taximètre. Il s agit du phénomène quand une qualité donne le nom à l objet entier. Palička de même que 17
Heyduk emploient le même mot emprunté au français mais le premier l utilise dans la forme indéclinable tandis que le second ajoute déjà un suffique permettant la déclinaison. On peut constater donc une évolution dans la forme du nom qui est causé par son emploi fréquent. Du côté de la grand-place les volets en sont toujours clos; mais, à gauche, une grille livre aux regards le jardin embrasé d héliotropes, de géraniums, de pétunias. (M, 63) Směrem k náměstí jsou okenice stále zavřené, ale vlevo je vidět mříţí zahradu svítící slunečnicemi, pelargóniemi, petúniemi. (H, 267) Okenice vedoucí na náměstí jsou stále ještě zavřené; avšak mříţe vlevo odkrývají zrakům zahradu ţhnoucí heliotropy, geraniem a petuniami. (P, 45) Dans le texte source, l auteur emploie les termes techniques de la botanique pour nommer des fleurs. Les deux premiers noms sont d origine greque, à travers le latin ils sont arrivés jusqu au français. Palička, par contre aux examples précédantes, traduit les mots par un emprunt et ne change que les suffixes. Aujourd hui, cependant, ces noms ne sont presque pas connus et les lecteurs devraient les chercher dans un dictionnaire. C est pourquoi Heyduk, dans sa traduction, ne garde que le dernier nom, celui des pétunias qui est courant en tchèque et qui ne pose pas de problèmes de compréhension au publique laïque. Les noms héliotropes et géraniums sont traduits à l aide des équivalents plus utilisés en tchèque : slunečnice et pelargónie. Un sourire parfois errait sur ses lèvres, au souvenir d une parole entendue, d une caresse reçue, à l époque où dans une cabane de brandes, la main trop forte de Jean Azévédo déchirait un peu sa blouse. (M, 70) Kolem rtů jí někdy bloudil úsměv, kdyţ si vzpomněla na dávná slova, na laskání v boudě z větví, kde jí Jean Azévédo natrhl trochu blůzu, takovou měl v rukou sílu. (H, 270) Tu a tam přeletěl úsměv přes její rty; vzpomněla si na zaslechnutá slova, na polichocení, jehoţ se jí dostalo v době, kdy v chýši mezi vřesy příliš silná ruka Jana Azévédo jí poněkud roztrhla bluzičku. (P, 49) Heyduk, dans sa version, traduit le mot blouse par un emprunt, la forme, du point de vue phonétique, en est la même. Ce qui diffère c est la forme graphique. Palička opère également l emprunt pour traduire le nom. Mais au lieu de la forme 18
simple il emploie le diminutif qui semble un peu excessif. La forme bluzka suffirait bien, le dédoublement du diminutif donne une impression d un raffinement redondant. Chacun criait, au point que la tante Clara elle-même percevait des bribes de phrases, se jetait dans la mêlée, et avec sa voix affreuse de sourde donnait libre cours à sa passion de vieille radicale «qui sait ce qui se passe dans les couvents». (M, 80) Všichni křičeli, takţe i teta Klára zachytila útrţky vět, vrhla se do půtky a hrozným hlasem hluchého člověka uvolnila uzdu vášnivé staré radikálce, která ví, co se děje v klášterech. (H, 257) Všichni křičeli tak, ţe i teta Klára zachytila útrţky vět, vrhla se do debaty a strašným hlasem hluchých lidí dala volnou cestu své vášni staré radikálky, která ví, co se děje v klášterech. (P, 55) Le mot français radical provient du bas latin radicalis mais dans la signification d une personne sympatisante avec les réformes radicales le mot est influancé par l évolution historique touchant l Angleterre. Dans ce sens, le mot s est vite répandu dans le monde et reste couramment employé. C est la rasion de la traduction à l aide de l emprunt dans la version de Heyduk aussi bien que dans la traduction de Palička. Dans ce cas-là, même à l époque de Palička, on n employait pas de périphrase pour désigner les partisants des réformes. Ne pas discuter avec Bernard le bien-fondé de cette morale lui accorder même que ce sont là sans doute de pauvres sophismes. (M, 95) Nediskutovat s Bernardem o správnosti této morálky; - připustit dokonce, ţe jsou to pravděpodobně ubohá sofismata. (H, 282) Nesmím se s Bernardem příti o dobro, leţící v této morálce. Naopak, musím mu přisvědčiti i v tom, ţe to jsou jediné ubohá sofismata. (P, 66) Le nom morale est d origine latine, de l adjectif moralis. En tchèque, le mot est traduit à l aide de l emprunt à la même racine latine et il est modifié par un suffixe tchèque. Les deux traducteurs emploient le même nom, ils sont d accord également dans la traduction du nom sophismes. Ce mot est d origine grecque et d où aussi le formes tchèques. Ni l un, ni l autre traducteur ne s efforcent pas de trouver une autre traduction, purement tchèque, qui expliquerait ces mots, comptant que les noms sont compréhensibles au lecteur cultivés. 19
Je perdrais le sentiment de mon existence individuelle. (M, 104) Ztrácela jsem pocit individuální existence. (H, 286) Pozbývala jsem vědomí své osobní jsoucnosti. (P, 72) Tandis que Heyduk, dans l exemple présent, traduit les mots à l aide de l emprunt au latin (existentia, individuum), Palička veut garder la pureté de la langue tchèque et trouve des équivalents plus courants à son époque : osobní jsoucnost. Bien que l adjectif qualificatif osobní soit souvent utilisé aujourd hui, le nom jsoucnost est maintenent archaïque. Il n est guère utilisé, sauf quelques termes techniques concernant la philosophie. Il eût été pourtant facile, sans se compromettre, d attirer l attention du docteur sur l arsenic que prenait Bernard. (M, 112, 113) Bylo by přece tak snadné, a nijak by si netadala, kdyby upozornila doktora na arzén, který Bernard uţívá. (H, 290) Bylo přece tak snadné obrátiti doktorovu pozornost na arsenik, který Bernard uţíval a nebyla by se kompromitovala. (P, 78) Le nom français arsenic est venu au bas latin du grec. Palička reprend le nom du texte source et garde encore la transcription original, sauf le k à la fin du mot. Aujourd hui, le nom a évolué et le produit chimique est appelé arzen. La différence entre la quantité de la voyelle du nom paru dans la traduction de Heyduk et celui utilisé au vingt-et-unième ciècle représente l évolution des règles d ortographe. La possibilité de doublet n est pas marquée dans le Dictionnaire de la langue tchèque littéraire. III.2. Calque Thérèse, moins par lassitude que pour échapper à ces paroles dont on l étourdissait depuis des semaines, ralentit en vain sa marche; impossible de ne pas entendre le fausset de son père. (M, 10) Tereza zpomaluje chůzi, ani ne tak z únavy, spíš aby unikla slovům, kterými ji uţ týden ohlušují, ale marně, i tak slyší fistuli svého otce. (H, 243) 20
Tereza marně zpomalovala své kroky, činila tak méně z únavy, neţ ze snahy uniknouti slovům, která ji ohlušovala po týdny a týdny, ale nebylo moţno uniknouti fistulovému hlasu otcovu. (P, 10) Dans cet exemple, les deux traducteurs emploient de différentes attitudes envers la traduction de la phrase. La différence tousche surtout l ordre des mots, des groupes de mots. De plus, on peut y retrouver plusieurs procédés de la traduction utilisés dans la transposition d une seule phrase. Quant à la traduction de Heyduk, le calque est utilisé dans plus d un cas. Il s agit du groupe verbal zpomaluje chůzi qui est traduit presque de la même façon aussi par Palička (zpomalovala své kroky). Le calque employé par Heyduk dans le groupe nominal moins par lassitude - ani ne tak z únavy est remplacé par une explication dans la version de Palička (il ajoute le verbe archaïque činit). Le dernier groupe nominal calqué par Heyduk, le fausset de son père - fistuli svého otce est de nouveau expliqué par Palička : fistulovému hlasu otcovu. Palička s écarte ainsi de la version originale mais ses explications ne modifient pas le sens du texte et ne posent pas donc de problèmes. Il toucha de la main sa casquette puis, les rênes rassemblées, se retourna une dernière fois pour dévisager la fille de son maître. (M, 23) Dotkl se rukou čepice, pak vzal oprati, obrátil se ještě naposled, aby se podíval na dceru svého pána. (H, 249) Dotkl se rukou čepice a potom sebral všechnu odvahu, aby se obrátil a ještě jednou podíval na dceru svého pána. (P, 19) Dans la traduction de Heyduk, il y a trois calques par rapport au texte source. Il s agit de la première proposition qui est calquée également par Palička : il toucha de la main sa casquette - dotkl se rukou čepice. Le deuxième cas du calque chez Heyduk est la deuxième proposition principale de l original se retourna une dernière fois. Heyduk la traduit mot à mot comme obrátil se ještě naposled tandis que Palička modifie la proposition, il la substitue par une proposition subordonnée qui, avec la proposition précédente, change le sens du texte de départ. Le dernier calque est le même chez Heyduk de même que chez Palička, ils traduisent le groupe nominal la fille de son maître identiquement par dceru svého pána. On peut de nouveau remarquer que l emploi du calque est plus fréquent chez Heyduk que chez Palička. 21
Elle s y installait dès juillet, sous la garde d une sœur aînée de son père, tante Clara, vieille fille sourde qui aimait aussi cette solitude parce qu elle n y voyait pas, disaitelle, les lèvres des autres remuer et qu elle savait qu on n y pouvait rien entendre que le vent dans les pins. (M, 30) Bývala tam od července pod dozorem starší sestry svého otce tety Kláry, staré hluché panny, která měla také ráda tuto samotu, zde prý nevidí, jak ostatní pohybují rty, a ví, ţe je tu slyšet jen vítr v borovicích. (H, 252) Usadila se zde v červenci pod ochranou starší sestry otcovy, tety Kláry, která byla hluchou starou pannou a která také milovala tuto samotu, poněvadţ jak říkávala neviděla zde pohybovati se rty jiných lidí, a poněvadţ věděla, ţe i kdyby nebyla hluchá, neslyšela by také nic jiného neţ vítr šumící v piniích. (P, 23, 24) La plupart de la phrase présente est, dans la traduction effectuée par Heyduk, calquée. C est le cas déjà de la première proposition elle s y installait dès juillet - bývala tam od července dans laquelle Palička substitue la préposition od par la préposition v et modifie ainsi un peu le sens de la phrase. Le group nominal sous la garde d une sœur aînée de son père, tante Clara est traduit presque de la même façon par les deux traducteurs, les différences sont plutôt du registre stylistique. La différence entre les procédés de la traduction utilisés se présente dans le traitement avec le groupe nominal lié à la proposition subordonnée relative : vieille fille sourde qui aimait aussi cette solitude. Tandis que Heyduk traduit cette partie par un calque, Palička emploie la transposition et subsitue le groupe nominal par la proposition relative která byla hluchou starou pannou. Après quelques transpositions, Heyduk traduit à l aide du calque le dernier goupe nominal le vent dans les pins - vítr v borovicích. La traduction de Palička diffère un peu, étant enrichie d une explication verbale : vítr šumící v piniích. Les différents procédés employés par Palička ne modifient pas cependant le sens général du texte de départ, ils rendent seulement la phrase un peu plus compliquée et moins compréhensible. Se livrer à lui jusqu au fond, ne rien laisser dans l ombre : voilà le salut. (M, 21) Vyznat se mu cele, nenechat nic v přítmí: v tom je spása. (H, 248) Připoutati se k němu naprosto a nic neponechati ve stínu: toť spása. (P, 18) La phrase du texte source est traduite par les deux traducteurs à l aide de la traduction littérale, le calque, il y a néanmoins quelques différences, surtout 22
stylistiques. A côté du suffix archaïque du verbe připoutati se dans la version de Palička qui n est plus présent dans la traduction plus récente de Heyduk, il a y encore la forme archïque du verbe neponechati remplacé par Heyduk par le verbe nenechat. On peut remarquer égalementun autre archaïsme. Il s agit du présentatif voilà dans la traduction de Palička qui le traduit par toť ce qui est, aujourd hui, littéraire et archaïque. Je te répète qu il n y est plus depuis deux jours. (M, 99) Říkám ti, že tam už dva dny není. (H, 284) Opakuji ti, že tam dva dny není. (P, 69) Tandis que dans la traduction de Palička, toute la phrase est traduite littéralement, Heyduk se détache un peu de l original dans la première proposition, même si le détachement est seulement sémantique. Dans la proposition subordonnée relative, il ne modifie rien, il opère le calque. La différence entre les deux traductions présentes consiste en absence du mot uţ dans la version de Palička. Il faut cependant constater que la particule négative plus du texte source comprend cette notion inexprimée par Palička. La traduction de Heyduk est donc meilleure du point de vue sémantique de même que du point de vue syntaxique. Un instant, elle tourna la tête vers son mari et la vieille femme se réjouit de voir que Thérèse souriait. (M, 122, 123) Jednu chvíli obrátila hlavu k manželovi a stařena se zaradovala, kdyţ viděla, že se Tereza usmívá. (H, 294) Pro okamžik obrátila tvář k svému muži a stará žena se zaradovala nad tím, že se Tereza usmívá. (P, 85) Dans l exemple présent, presque toute la phrase source est traduite à l aide du calque, seulement la proposition infinitive de voir doit être substituée. Il y a néanmoins quelques différences entre les deux traductions. Au début de la phrase, Heyduk calque exactement l original : un instant jednu chvíli. Palička, par contre, y ajoute la préposition pour pro okamţik. Sa traduction ne correspond pas exactement au texte source, de plus, l emploi de cette préposition dans ce contexte est archaïque. Les autres différences relèvent plutôt du domaine lexical. 23